Marianne Winckler, écrivaine reconnue, entreprend un livre sur le travail précaire. Elle s’installe près de Caen et, sans révéler son identité, rejoint une équipe de femmes de ménage qui récure, en 4 minutes chrono chacune, les 230 cabines d’un ferry reliant Ouistreham à Portsmouth. Elle astique les toilettes, fait des lits à la chaîne, comme tout le monde. Confrontée à la fragilité économique et à l’invisibilité sociale, elle découvre aussi l’entraide et la solidarité qui unissent ces travailleuses de l’ombre.

Bande annonce Film Ouistreham : Crédit vidéo : Bandes annonce Cinéma

Peut-être que pour lutter contre la répartition des tâches encore très inégalitaires à l’intérieur du foyer hétérosexuel, vous ou votre entourage avez déjà fait appel à une femme de ménage, quitte à mettre de côté vos / leurs principes féministes et votre / leur idéal d’émancipation collective. La face cachée de cette profession, F. Aubenas l’a très bien illustrée dans son livre Quai de Ouistreham adapté au cinéma, reste encore aujourd’hui très mal rémunérée et l’isolement des travailleuses qui la pratiquent rend difficiles les mobilisations sociales.

Un travail encore beaucoup trop peu valoriser

Le constat de la dévalorisation du métier de femme de ménage est né dans les années 70. Silvia Federici, philosophe et militante féministe, dénonce ce phénomène. Cette profession est effectuée majoritairement par des femmes et comprend toutes les tâches qui permettent de vivre : donner à manger aux enfants, faire les lessives, donner le goûter… Toutes ses tâches sont invisibles alors qu’elles constituent pourtant le « pilier de toutes activités économies, car il produit de la force de travail, la capacité des gens à travailler : en bref il produit des travailleurs/ses » énonce Silvia dans son article « Du « salaire au travail ménager » à la politique des communs » en 2021.

Pour vous donner une idée, aujourd’hui, en France, les hommes effectuent en moyenne 1 heure 17 de travail domestique par jour contre 2h59 pour les femmes selon l’INSEE en 2010. Avec les enfants, cet écart est encore plus important. (voir article sur la charge mentale des femmes à Noël) Et lorsque cette répartition mène au conflit, la solution finale est souvent le recours à une femme de ménage.

Des conditions de travail difficiles

Beaucoup de femmes exercent ce travail par choix, celui-ci leur permettant de gagner une autonomie financière. Les travailleuses doivent parfois prendre des médicaments, faire de longs déplacements et manquent beaucoup de sommeil.

Ce qui rend les horaires de travail insoutenables, c’est le manque de mobilisation. Les femmes de ménages traitant le plus souvent directement avec leur employeur.euse n’ont pas de collègues et ne peuvent donc pas déléguer de tâches. Mais depuis quelques années, les choses tendent à changer. En Île-de-France par exemple, des femmes de ménages qui travaillent dans des hôtels mènent des grèves victorieuses, accompagnées par les syndicats CGT-HPE et CNT-SO. En 2021, après 22 mois de grève, les femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles à Paris ont obtenu la revalorisation de leur salaire et de meilleures conditions de travail.

Les aides à domicile qui accompagnent les personnes âgées font également de plus en plus entendre leur voix face à leur conditions de travail depuis la crise sanitaire : leur activité comprend également une part de ménage mais celle-ci prend trop souvent le dessus sur les tâches de départ. Ce qui rapproche ces métiers, c’est qu’ils entrent dans le lot des emplois féminisés et dévalorisés parce qu’on les assimile à des compétences « naturelles » ne nécessitant pas de véritables qualifications.

La crise sanitaire

Le Covid-19 a déclenché la prise de conscience de l’importance de ce métier. Beaucoup de voix se sont élevées pour souligner l’inégale répartition des tâches domestiques au sein des couples hétérosexuels.

La solution ne serait elle pas de repenser le temps de travail des femmes de ménage ainsi que leur salaire ? En 2020, une proposition de loi prévoyait de majorer de 50% les heures de travail effectuées entre 18 heures et 9 heures, afin d’« inciter économiquement » le nettoyage en journée. Mais cette loi a finalement été retirée par le député François Ruffin selon lequel, la loi avait été vidée de sa substance.

Tweet de François Ruffin 30 mai 2020

Pour conclure cet article, je vous demande de pensez aux femmes qui passeront après vous dans des lieux publics, ou même chez vous. Respectez ces métiers de l’ombre que l’on oublie trop souvent.

Prenez soin de vous 💛

Célestine Tramaille

Nos sources :

La déférlante : N°5 Mars 2022. « Féministes, qui fait le ménage chez vous ? » p.25-30

https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=268224.html

https://www.lindependant.fr/2020/06/01/video-revalorisation-des-femmes-de-menage-le-depute-francois-ruffin-retire-son-texte-vide-par-la-majorite,8912107.php

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